La question des pensionnats ne consiste pas à faire en sorte que les autres se sentent mal ou coupable. La question concerne la vérité et la compréhension. La vérité et la compréhension sont les deux principaux ingrédients qui mèneront à la guérison et à la
. –Garnet Angeconeb, aîné, survivant des pensionnats, journaliste
L'accord de 2007 abordé dans le chapitre précédent comprenait la mise en place d'une
. Qu'est-ce qu'une commission de vérité et réconciliation? Quels sont ses objectifs? Quelle est sa place dans le processus général visant à aider une nation à passer d'un état de conflit et d'injustice à un état où les groupes concernés vivent plus ou moins en paix?
La Commission de vérité et réconciliation du Canada fait partie d'une série d'efforts de réconciliation compliqués. Il s'agit de l'un des nombreux outils dans un processus que les experts appellent justice transitionnelle.
La justice transitionnelle est un processus multidimensionnel conçu pour aider les victimes à surmonter l'injustice et le traumatisme historiques et à se réconcilier avec les personnes qui leur ont fait du mal. Les experts affirment que pour que la justice transitionnelle fonctionne bien, elle doit comprendre une version des éléments suivants : découverte de la vérité (que s'est-il vraiment passé?), justice (c.-à-d. : châtiment pour les auteurs, réparation pour les victimes) et réconciliation. Au Canada, comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, le processus comprenait également des excuses, lesquelles constituent une partie essentielle de la réconciliation : les auteurs, dans ce cas-ci les églises et le gouvernement, montrent des remords, puis les victimes peuvent pardonner et commencer à réparer leur relation avec eux.
En abordant la question de la justice, la
a accordé une compensation financière aux anciens élèves, appelés
et Survivantes, des pensionnats. Elle a mis de côté environ deux milliards $ pour à peu près 86 000 élèves survivants (sur environ 150 000 élèves en tout) qui ont fréquenté les pensionnats.
Chaque personne admissible devait recevoir 10 000 $ pour la fréquentation d'un tel établissement, plus 3 000 $ pour chaque année passée dans l'établissement (somme appelée le
).
Dans un processus distinct, appelé
, le témoignage de chaque survivant a reçu un « pointage » d'un adjudicateur en fonction des abus subis par le survivant, pour ensuite recevoir une compensation supplémentaire. De plus, la Convention de règlement a réservé une somme de 60 millions $ pour le processus de vérité et réconciliation, l'objet de ce chapitre.
La mise en place et l'exécution des commissions de vérité et réconciliation sont devenues une pratique courante depuis les années 1970. La plupart des commissions mises en place se concentrent sur les crimes commis par un gouvernement contre ses propres citoyens. Depuis les années 1970, il y a eu au moins 40 commissions de la sorte, et certaines sont encore actives aujourd'hui. Souvent, elles ne constituent pas un outil judiciaire ou un tribunal, mais plutôt un moyen pour les auteurs et les victimes de reconnaître publiquement les épisodes de violence entre eux (violation systématique des droits de la personne, nettoyage ethnique et
, par exemple). L'objectif principal d'une commission de vérité et réconciliation est d'aider les victimes à exprimer leur douleur, à savoir exactement comment les crimes commis contre eux ou leurs proches ont été perpétrés et à recevoir la reconnaissance du public pour les crimes passés. Dans certains cas, les victimes ont pu rencontrer les auteurs en face à face. La commission sert habituellement de lieu de rencontre entre les anciens ennemis pour régler leurs différends et trouver des façons d'aller de l'avant.
Pour la plupart, ces commissions sont conçues pour favoriser la guérison, un processus qui offre aux victimes un certain réconfort et l'assurance que leur traumatisme ne sera pas répété ou oublié.
La Commission de vérité et réconciliation canadienne est unique, car elle n'inclut aucune transformation du gouvernement (contrairement à celle de l'Afrique du Sud). Elle est également unique en ce sens qu'elle a été financée par les Survivants et Survivantes des pensionnats et comprenait de nombreux éléments traditionnels des cultures
. La Commission de vérité et réconciliation s'est concentrée sur les victimes et leurs expériences; à quelques exceptions près, les auteurs n'ont pas participé aux efforts pour révéler la vérité sur les crimes commis dans le secret. Les procédures de la Commission de vérité et réconciliation comprenaient de nombreux événements locaux et sept événements nationaux, lors desquels les personnes touchées par les pensionnats ont partagé leur expérience par écrit, dans des témoignages privés ou en public. Ces événements étaient ouverts à tout le monde, puisque l'objectif était d'informer le public sur cette histoire douloureuse; certaines procédures ont été diffusées en ligne ou à la télévision nationale. En 2014, la Commission de vérité et réconciliation a achevé de recueillir les témoignages et son rapport final a été publié en 2015. Les témoignages et l'ensemble des documents et artéfacts recueillis sont archivés au Centre national pour la vérité et la réconciliation situé dans l'Université du Manitoba à Winnipeg, et sont disponibles au public à des fins d'éducation et de recherche.