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« Un spectre se trouve parmi nous » : l'influence néfaste des pensionnats autochtones sur toute une communauté

Richard Wagamese explore la façon dont le système des pensionnats autochtones a même touché ceux qui ne les ont pas fréquentés.    
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  • Culture & Identity
  • Human & Civil Rights

La Commission de vérité et réconciliation s'est concentrée sur les personnes qui ont fréquenté les pensionnats, mais elle a aussi accordé un espace pour examiner les effets des expériences des Survivantes et des Survivants sur la communauté dans son ensemble. Les Survivantes et les Survivants intergénérationnels, comme Richard Wagamese, cité ci-dessous, explorent la question de la réconciliation, mais aussi l'effet des pensionnats sur ceux qui ne les ont pas fréquentés.

Je suis une victime du système de pensionnats du Canada. Quand je dis victime, je veux dire quelque chose d'assez différent de « Survivant ». Je n'ai jamais fréquenté un pensionnat, alors je ne peux pas dire que j'y ai survécu. Toutefois, mes parents et les membres de ma famille élargie y sont allés. Les souffrances qu'ils ont endurées sont devenues les miennes et donc, je suis devenu une victime. À ma naissance, ma famille menait toujours une vie nomade, se déplaçant en fonction des saisons, comme le faisait le peuple traditionnel ojibwé. Dans les grands territoires vallonnés aux abords de la rivière Winnipeg dans le nord-ouest de l'Ontario, les gens pêchaient, chassaient et faisaient le piégeage... Nous vivions en communauté. Avec ma mère et mes frères et sœurs, il y avait aussi mes grands-parents matriarcaux, mes tantes, mes oncles et mes cousins. Entourés du Bouclier canadien irrégulier et touffu, nous nous déplacions selon les saisons. Le temps n'était pas important dans le contexte des coutumes anciennes que nous suivions.

Pourtant, un spectre se trouvait parmi nous.

Tous les membres de ma famille ont fréquenté le pensionnat. Ils sont retournés sur nos terres, accablés par les souffrances psychologiques, émotionnelles, spirituelles et physiques, et par les souvenirs qui les hantaient. Même ma mère, en dépit des déclarations ardentes concernant le fait qu'elle y avait acquis de bonnes choses (avait découvert Jésus, appris à tenir maison, l'évangile) était profondément blessée, ce qu'elle ne pouvait pas exprimer. Chacun d'eux avait séjourné dans une institution qui avait essayé de gratter tout ce qu'il y avait  d’Indien  en eux; ils sont revenus dans la forêt, à la rivière, dépouillés, non aguerris, souffrants. La douleur qu'ils éprouvaient était invisible et silencieuse. Elle s'était infiltrée dans leur esprit, exsudant son poison et les empêchant de voir les incroyables propriétés curatives et apaisantes à l'intérieur même du mode d'existence indien.

Pendant un certain temps, la proximité de la famille et de la terre a agi comme un baume. Puis lentement et irrévocablement, le spectre qui les avait suivis à leur retour du pensionnat à commencer à s'affirmer et à manœuvrer pour se faire de la place autour du feu communautaire. Quand le ragoût venimeux composé de paroles, de sentiments et de souvenirs inexprimés portant sur leur perturbation profonde, sur leurs souffrances et leur solitude a commencé à mijoter et à bouillonner au milieu d'eux, ils ont découvert que l'alcool pouvait les engourdir. Et nous avons cessé d'être une famille.

Au lieu et place, les adultes de ma famille ojibwée sont devenus des enfants effrayés. Le traumatisme qui était venu les frapper les avait réduits à cet état-là. Ils se blottissaient pour se protéger contre des menaces sous forme imprécise surgies de l'obscurité ou émanant de l'intrusion, dans leurs pensées, dans leur esprit et leur corps, hurlant à travers ces ténèbres qui les enveloppaient et les recouvraient une fois de plus. Ils oubliaient qui ils étaient. Ils rendaient les coups par besoin de vengeance, farouchement et aveuglément, comme seuls des enfants souffrants et effrayés peuvent le faire. 1

Questions de mise en relation

  1. Selon M. Wagamese, quels sont les effets des pensionnats sur le peuple ojibwé?
  2. Cherchez le mot spectre si vous ne le connaissez pas. Selon M. Wagamese, quel est le spectre des pensionnats? Comment le décrit-il?
  3. Relisez le dernier paragraphe. Selon vous, qu'est-ce que M. Wagamese essaie de dire sur les effets des pensionnats sur sa famille? Comment explique-t-il le comportement des membres de sa famille?
  • d’IndienLorsque les premiers explorateurs européens sont débarqués en Amérique en 1492 avec Christophe Colomb, ils appelaient toutes les populations autochtones du continent des « Indiens », parce qu'ils croyaient être arrivés en Inde. Le terme s'est répandu chez les colons, et il regroupait des populations locales entières, sans égard à leur grande diversité. Finalement, le nom Indien a servi à faire une distinction entre les Peuples Autochtones et les colons, qui se sont successivement désignés comme des Européens, des blancs, puis comme des Canadiens.
  • 1Richard Wagamese, « Retrouver l'harmonie », dans Clamer ma vérité : Réflexions sur la réconciliation et le pensionnat, 153–158, disponible sur le site Web Speaking My Truth . Reproduit avec l'autorisation de la Fondation autochtone de guérison.

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— Gabriela Calderon-Espinal, Bay Shore, NY